Hubert
van GIJSEGHEM
Le concepteur des auditions d'enfants victimes
Fiche d'identité
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Né en 1941 en Belgique, vit à Montréal depuis 1965.
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Défend les théories du "syndrome d'aliénation parentale" de Richard Gardner et des "faux souvenirs" de Ralph Underwager, dans le milieu professionnel, mais aussi dans les tribunaux, où les avocats de la défense lui demandent de venir témoigner en faveur des accusés d'actes pédophiles.
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Il est présenté comme "psychologue, professeur à l'université de Montréal et fréquemment appelé comme expert devant les tribunaux"
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Selon sa propre bio "À partir de 1969, à titre de professeur titulaire à l’Université de Montréal (École de Psycho-éducation), il enseigna principalement la psychologie du développement et la psychopathologie tout en menant des recherches sur l’abus sexuel et sur le témoignage de l’enfant maltraité. Membre fondateur de l’Association des Psychothérapeutes Psychanalytiques du Québec (APPQ), il a dirigé durant une vingtaine d’années le Programme de Formation en Psychothérapie Psychanalytique du Centre de Psychologie Gouin".
Une sommité sur les questions de l'enfance maltraitée
La suite de ladite biographie, qui vient juste après, est croustillante: "Depuis, il a délaissé le paradigme psychanalytique en faveur d’une approche basée sur des données probantes, c’est-a-dire, centrée sur la recherche scientifique".
Parce qu'avant, ses "recherches", sur quoi étaient-elles "centrées"? Il est regrettable qu'elles ne fussent pas centrées sur la recherche scientifique, car van Gijseghem a beaucoup contribué à formaliser les auditions d'enfants victimes, comme on va le voir plus bas, et ces auditions sont une catastrophe.
Cet "expert" touche à de nombreux domaines, et publie le fruit de son labeur dans des livres et articles, répand sa bonne parole auprès des magistrats, psys et autres professionnels de l'enfance, au cours de conférences et formations sur les questions de l'enfance maltraitée.
Revenons à sa bio: "Il a publié dans diverses revues scientifiques quelques deux cents articles traitant principalement de la délinquance, de la psychopathologie, de la psychothérapie, de l’abus sexuel, de l’audition de présumées victimes, du processus d’enquête en matière de maltraitance, de l’aliénation parentale, de l’expertise psycho-légale. Il a prononcé quelques six cents conférences lors de congrès ou d’autres événements scientifiques et cela aussi bien en Europe qu’en Amérique du Nord".
L'intervention hallucinante d'Hubert van Giseghem au procès de Daniel Legrand
En mai 2015 à la cour d'Appel de Rennes, Daniel Legrand, l'un des acquittés de l'affaire d'Outreau, a été jugé pour des faits qui lui étaient reprochés par la justice mais qui n'avaient jamais été jugés, car ils auraient eu lieu alors qu'il était mineur. Daniel Legrand a cependant été acquitté des faits qu'on l'accusait d'avoir commis alors qu'il était majeur, en 2006 à la cour d'Appel de Paris.
On jugeait donc en 2015 Daniel Legrand pour des viols commis sur trois parties civiles, trois des enfants D., dont les parents et deux voisins ont été condamnés pour des viols sur une douzaine d'enfants. Les parents D., on peut le noter, ont aussi été condamnés pour proxénétisme. Il manque juste les clients. On ne va pas revenir sur ce procès, je renvoie pour cela à d'autres sources.
A la demande de l'avocat général qui lui a envoyé une invitation par fax, Van Gijseghem est venu éclairer les juges et les jurés sur "le recueil du témoignage des enfants en justice", et a expliqué comment, selon lui, il faut recueillir la parole des enfants. Car son grand souci c'est la "contamination des souvenirs". En gros: l'enfant ne ment pas, mais il a des faux souvenirs. Et c'est avec ce seul argument que l'avocat général a requis un acquittement de Daniel Legrand, malgré une foule d'éléments suspects.
Van Gijseghem, a donc parlé de "coefficient d'inexactitude", de "suggestivité", a déclaré que "si l'enfant est entendu au-delà de 24 h il y a des risques de contamination". Et s'il y a "risque de contamination", le doute doit bénéficier à l'accuser. Donc en l'absence de preuves matérielles, comme c'est presque toujours le cas dans les dossiers de viols de mineurs (qui ne parlent quasiment jamais dans le délai de 24 h), l'accusé doit être acquitté et le parent protecteur pris pour un manipulateur, et puni comme tel. Cela a l'air incroyable, mais c'est exactement ce qu'il se passe aujourd'hui dans les tribunaux français.
On va voir maintenant les 11 commandements de Gijseghem pour qu'une audition d'enfant se fasse sans "contamination" et ne soit donc pas critiquable devant un tribunal:
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Audition dans les 24 h
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Audition par un policier formé. Selon Gijseghem, il faut "éviter que ce soit un représentant du monde psychosocial" qui réalise l'audition, car il aurait "un désir de croire l'enfant pour le protéger". En outre, peu de policiers sont formés. Donc si l'enfant parle devant un policier non formé, qu'advient-il de son témoignage? Et qu'y a-t-il de mal à vouloir protéger un enfant, notamment via un signalement, quand, en tant que thérapeute, vous savez pertinemment qu'il est victime d'abus?
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Il ne doit y avoir personne d'autre que l'enfant et le policier dans la pièce.
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L'audition doit être filmée (en général les enfants victimes, surtout s'ils ont été filmés, lors des abus, refusent la vidéo).
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Le mieux est que la personne qui recueille la parole de l'enfant "ne sache rien des faits et de l'enfant".
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Il faut une seule audition. A cela, il faut noter qu'une spécialiste de la gendarmerie belge, qui formait ses collègues aux auditions d'enfants, a admis que les enfants parlent rarement à la première audition (l'affaire d'Outreau avec ses 12 victimes le montre), et que dans les faits cette audition est en plus très courte: 20 minutes environ.
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Il faut faire l'audition "dans un lieu officiel", qui en impose à l'enfant pour qu'il n'aille pas raconter n'importe quoi. Gijseghem a carrément déclaré que le but c'est "que l'enfant soit impressionné", puis plus tard il a précisé que "l'enfant ne doit pas être entendu dans un lieu confortable mais dans un cadre d'autorité". On imagine à quel point cela libère la parole d'un gosse traumatisé qu'il vient de subir un acte qu'il ne comprend pas, il y a moins de 24h qui plus est.
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L'enfant doit y aller seul.
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Il faut que le récit soit libre, c'est-à-dire que le policier ne doit poser aucune question.
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Ne pas interroger l'enfant sur ce qu'il a déjà dit.
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Ne pas faire faire de dessin à l'enfant pour expliquer les faits, ne pas lui demander de montrer ce qu'on lui a fait à l'aide d'une poupée ou d'un nounours, pas "de facilitateur", a dit Gijseghem le plus sérieusement du monde, assis dans son bureau de Montréal (il était en visioconférence).
Donc, l'enfant victime quel que soit son âge (à Outreau les plus jeunes savaient à peine parler) doit endéans les 24 h, se rendre seul au poste de police le plus proche, pour expliquer les faits de manière compréhensible sans qu'on lui pose de question, et dans un lieu "d'autorité" qui impressionne. N'importe qui ayant l'habitude des enfants sait qu'ils disent rarement ce qui leur fait peur ou les traumatise d'un seul coup et clairement.
On pourrait peut-être en rire si Gijseghem, qui n'hésite pas à citer les "travaux" de Richard Gardner, ne passait pas pour une référence en matière de recueil de la parole des enfants victimes. C'est même lui qui est à l'origine de la formalisation des auditions de mineurs victimes, la fameuse procédure Mélanie qui passe à côté des faits dans de nombreux cas.
Suite à ces déclarations, Gijseghem a été ridiculisé par l'avocat d'un enfant D., qui lui a demandé s'ils connaissait plusieurs études de référence, ouvrages, spécialistes, ce à quoi il n'a jamais répondu par l'affirmative. Il a même fini par admettre qu'il y a moins de 8% de mensonges dans les cas d'abus sexuels sur mineurs.
Pour lui les enfants ont -on ne sait dans quelles proportions- "reconstruisent" leurs souvenirs avec les peurs des adultes, même lorsqu'ils parlent des faits "avec affect". Il considère aussi que lorsqu'un enfant dénonce des abus sexuels, il faut "chercher toutes les hypothèses alternatives". Il considère donc que les viols sont une réalité, mais seulement par élimination, si vraiment il n'y a aucune possibilité de "contamination", d'invention ou autre.
Le pire, c'est que Gijseghem avoue lui-même: "un des points faibles de ma carrière, c’est la recherche scientifique". Que fait-il alors, dans les tribunaux? Il donne une opinion? Il vient nous fait état de ses réflexions?
La prévention, c'est mal
Son bouquin "Us et abus de la mise en mots en matière d'abus sexuels", Gijseghem est présenté comme visant à dénoncer "l’acharnement investigateur, préventif ou thérapeutique, qui déferle sur les victimes réelles et présumées d’abus sexuel". Underwager et Gardner ne disaient pas autre chose.
Car en effet, la suite logique de la diffusion de leurs théories anti victimaires, c'est une baisse de la vigilance et une acceptation des abus sexuels sur mineurs puisqu'il ne sera plus question d'en parler.
Et ces théories arrangent bien les pouvoirs publics, car le coût d'une réelle prise en charge de ce problème s'élèverait à plusieurs milliards d'euros par an. Il est donc urgent de nier la réalité, l'ampleur dramatique, le problème de santé publique, que sont devenus les abus sexuels contre les mineurs.
Pour Van Gijseghem, c'est "la mise en mots" qui traumatise les enfants, pas les abus en eux-mêmes. Toute prévention est donc mauvaise pour les enfants, leur mettant en tête d'éventuelles accusations bidons, et leur faisant penser que les actes sexuels avec des adultes sont forcément mauvais. Impossible de retrouver son article "Dénoncer l’acharnement à découvrir des abus puis à les traiter à tout prix", mais il doit être fort intéressant.
Gijseghem explique ainsi dans des journées de formation où il intervient qu'il n'y a pas de corrélation entre les abus et des séquelles ultérieures. Il considère même que les dégâts psychologiques sont plus importants quand les enfants sont plus âgés, ou que les séquelles sont moins importantes quand l'enfant a une bonne relation d'amour avec sa mère...
Selon lui, la moitié des enfants parlent des abus dont ils ont été victimes, et la prévention à l'école ne sert qu'à augmenter les fausses allégations.
Et il demande s'il est dans l'intérêt de l'enfant d'avoir un savoir adulte sur la sexualité, de mettre en cause sa confiance dans l'adulte, tout en insistant sur le fait que l'enfant est un "être sexué". Et si on sent qu'un enfant est victime mais qu'il ne parle pas, il faut "le laisser tranquille" pour ne pas induire de faux souvenirs. C'est aussi grâce à lui que les fissures anales constatées chez les enfants sont trop souvent considérées comme liées à des "constipations", ou que les hymens peuvent avoir été percés parce que la petite s'est introduit des objets.
Voilà le genre de théorie qu'il répand dans ses formations auprès, notamment, de magistrats suisses, de psychologues et pédopsychiatres, ou de policiers belges qu'il a "formés" à l'audition des enfants victimes en pleine affaire Dutroux...
Même à la retraite, Gijseghem continue à répandre la bonne parole auprès des professionnels.